Demande d'un brevet d'addition et de perfectionnement
au brevet d'invention de quinze ans qui m'a été délivré sous la date
du 28 septembre 1840 pour une machine à calculer
Mémoire descriptif
Dans mes précédents mémoires, je n'ai parlé que de l'addition et de la soustraction. Je donne aujourd'hui le dessin et la description d'une machine qui fait les quatre règles de l'arithmétique, les fractions décimales et les progressions arithmétiques. C'est la description de la machine que j'ai l'honneur de présenter à l'académie Royale des Sciences le 13 Décembre 1841.
Fig. I, extérieur de la machine réduite au tiers de la grandeur naturelle.
Fig. II, la même machine vue de côté
AA, manivelles (en fait poignées !) sur les côtés
BBBB, cercle extérieur
CC, parti moyenne mobile
D, bouton d'arrêt de la bascule
E, manivelle
F, index
G, bouton conducteur
H, bouton du quotient
II, boutons du guichet
K(KKK), pieds
L, crochet d'arrêt du volant
Cercle extérieur fixe A'A'A'A'
On y remarque :
Neuf cadrans portant des chiffres, d'un côté (droit) 1-9 en grands chiffres noirs, de l'autre (gauche) et en sens inverse 0-9; deux crochets, une rondelle à chaque cadran, le tout comme dans les machines précédemment décrites. Les cadrans du cercle extérieur sont destinés à l'addition et à la soustraction. Ils sont parfaitement analogues à ceux dont j'ai donné la description dans mes mémoires antérieurs avec cette seule différence qu'au lieu d'être disposés sur une ligne droite, ils le sont sur une ligne courbe.
Outre ces cadrans pour l'addition et la soustraction, on voit sur le cercle extérieur fixe de petits guichets du quotient, à travers les quels on aperçoit les chiffres du cadran de la roue du quotient. (Fig. ?)
Cercle extérieur fixe enlevé:
On voit fig. 3 une série de roues pour l'addition et la soustraction, de même que dans mes machines faisant simplement l'addition et la soustraction.
Ces roues sont représentées une seconde fois fig. 6, et de côté fig. 4, mais on remarque ici au dessus de chaque roue (fig. ?) et Fig. 4.?, une roue d'engrenage divisée en 20 parties et engrenant avec un pignon fig. 3.C.
On voit encore la [?] d'arrêt M qui [?] la partie moyenne mobile.
Cette partie moyenne mobile fig.1 CC porte à la partie extérieure, outre la manivelle E et les boutons déjà signalés, des cadrans d, avec cinq guichets , et un cadran central NN.
Si l'on enlève la platine extérieure de la partie moyenne, on aperçoit cinq roues de développement ff , une roue centrale, une partie du modérateur h, avec son arrêt, et les neuf entailles k pour l'arrêt de la bascule. Le tout est porté par un axe.
Roues de développement
La roue de développement est portée sur la platine inférieure de la partie moyenne mobile Fig. 9.o, par des broches Fig. 9.l et Fig.12.
Elle se compose de trois parties principales Fig. 11.
1ère partie inférieure, pignon qui engrène avec la roue centrale k;
2ème partie moyenne qui porte les dents sortant ou rentrant l;
3ème partie supérieure qui porte le cadran dont les chiffres sont visibles à travers les cinq guichets de la platine supérieure de la platine moyenne mobile m et fig. 13 m, fig.14 m, fig.8 m.
La partie inférieure k n'offre rien de particulier; c'est tout simplement un pignon divisé en 20 parties.
La partie moyenne l est un disque en cuivre dont la cinquième partie est munie de neuf coulisses fig.15 entaillées dans son épaisseur. Dans ces coulisses se trouvent neuf verrous mobiles qui, poussés dehors, forment autour autant de dents, mais qui, rentrés dans les coulisses, laissent le bord du disque parfaitement libres . Un de ces verrous est-il chassé hors de sa coulisse, le disque a une dent; il en a deux si 2 verrous sont poussés; neuf si tous sont hors de leurs coulisses. Au contraire il n'en a pas, si aucun des verrous n'est sorti de sa coulisse.
Chaque verrou est pourvu, au milieu, d'une goupille n, fig.15, sur laquelle agit un petit plan incliné o, entaillé dans une platine mobile p, qui couvre le disque et ses coulisses. C'est à l'aide de ce plan incliné que les dents sont chassées hors des coulisses et y entrent.
Enfin, la partie supérieure du cadran m communique par un engrenage q avec la platine entaillée, et à travers les guichets supérieurs, on peut voir combien de dents sont sortis de leurs coulisses.
Qu'on se figure maintenant les cinq roues de développement fffff fig.8, disposées en ligne circulaire sur la partie inférieure de la partie mobile, la grande roue centrale g porte cent dents qui engrènent avec les pignons de de vingt de la partie inférieure k des roues de développement. Qu'on partage la grande roue en dix parties égales et il sera facile de comprendre que pendant qu'elle fait un dixième de tours, les roues de développement font un tour entier sur leurs axes. De plus, comme ces roues de développement n'ont que le cinquième de leur circonférence muni de dent et sont disposés de telle manière que la partie dentée de la deuxième roue ne peut se trouver en contact avec la ligne circulaire décrite par le cercle extérieur qui porte le système des roues d'addition et leurs pignons qu'autant que la partie dentée de la première s'en est éloignée, et ainsi de suite. Il en résulte que, tandis que la grande roue décrit un dixième de sa circonférence, les parties dentées des roues de développement font un tour complet.
Si l'on veut construire une machine de 6, 8 ou 12 roues de développement, il faudra nécessairement que la partie dentée n'occupe que le sixième, le huitième, ou le douzième de la circonférence des roues de développement.
Il n'est pas nécessaire de donner à la machine une forme circulaire; elle peut recevoir fort bien une forme horizontale. Si nous avons préféré la forme ronde, c'est uniquement parce qu'elle présente moins de volume.
Qu'on supporte maintenant, par l'intermédiaire du pignon c fig.3 et Fig.4, les roues de développement [..] en contact avec le mécanisme de l'addition du cercle extérieur, de telle sorte que la première roue de développement, de gauche à droite, soit placée vis à vis les unités; la deuxième vis à vis les dizaines, la troisième vis à vis les centaines, etc.
Si aucune des cinq roues de développement n'a de dent, on pourra faire mouvoir tant qu'on voudra, la grande roue centrale g fig.8, sans qu'il s'opère aucun changement dans les destinées à l'addition. Mais chaque roue de développement a une dent, pendant que la grande roue décrira la dixième partie de son cours, les cinq roues de développement, dont chacune a, comme nous l'avons dit, une dent, s'engrèneront par l'intermédiaire du pignon dans les roues d'addition, et si ces dernières sont placées à 0, elles les feront avancer d'une unité de manière qu'on voit paraître 11111. On aura, dans ce cas, multiplié onze mille cent onze par un. Si la grande roue avait décrit les deux dixièmes ou les trois dixièmes de sa circonférence, on aurait multiplié deux ou trois fois les cinq roues de développement, et l'on aurait obtenu pour produit 22222 ou 33333.
Prenons un exemple.
Soit 26546 à multiplier par 272. Nous commencerons par marquer sur les cinq roues de développement de la partie moyenne fig.1 ddddd, les chiffres 26546, qui paraîtront à travers les guichets eeeee. La première roue aura deux verrous de saillans ou deux dents, la deuxième six, la troisième cinq, la quatrième quatre, et la cinquième six.
Au centre de la partie mobile est une manivelle E, fig.1, destinée à mettre en
mouvement la grande roue centrale g, fig. 8, laquelle s'engrène dans les pignons des roues de
développement k, fig. 11 & 14. Cette manivelle porte au centre une roue de rochet r taillée en [dix ?] et fixée sur le
canon de la grande roue centrale, avec son cliquet s fixé lui-même sur la manivelle et ne permettant à cette
dernière de se mouvoir que de droite à gauche. Si on la conduit en sens
inverse, elle ne se meut plus seule, mais elle met alors aussi en
mouvement, à l'aide du cliquet s, la
grande roue centrale g.
La manivelle est munie d'une aiguille qui indique sur le
cadran circulaire divisé en dix parties et portant les chiffres 0-9, de
combien de dixièmes la roue centrale avance, et par conséquent combien
de tours font les roues de développement.
Il faut se rappeler aussi que la partie mobile a dans sa platine
inférieure plusieurs entailles kkk, fig 3 & 8, dans lesquelles se loge la bascule M, fig. 3.
Au moyen du bouton D, fig. 1,3 & 4, on déprime (= relâche) cette bascule, et la mobilité de la
partie [intérieure ?] ne rencontrant plus d'obstacle, on place la
première roue de développement du côté droit en face des unités du
cercle extérieur.
Pour effectuer la multiplication donnée, on placera l'aiguille sur le
chiffre 2 et on tournera la manivelle jusqu'à ce que cette
aiguille arrive à 0. On poussera alors le crochet L, fig. 5 & 10, qui, par un arrêt [?], fig. 16 et i, fig. 8,
empêche les roues de développement de continuer leur mouvement de
rotation. On aura ainsi multiplier par 2, et les guichets supérieurs de
l'addition montreront la somme 53092.
Une fois ce premier résultat obtenu, on poussera le bouton de la bascule D, fig. 1, qui rend la partie
moyenne libre, et à l'aide du bouton conducteur g, fig. 1, on fera tourner cette
partie moyenne de gauche à droite de manière que les unités de la somme
à multiplier indiquée sur les roues de développement, se trouvent
vis-à-vis les dizaines de la somme 53092.
On placera la manivelle sur le chiffre 7, et on la tournera jusqu'à ce
qu'elle arrive à zéro, où elle sera de nouveau arrêtée.
Le multiplicande sera ainsi multiplié par 70, et le produit de cette
multiplication se trouvera ajouté en même temps au produit de la
multiplication par 2.
On lira donc dans les guichets de l'addition la somme 1911312. On
déplacera de nouveau la platine centrale, on l'avancera d'un dixième, on
mettra l'aiguille sur 2, et, en procédant comme il a été dit, on
obtiendra le produit de la multiplication par 200 ajouté au produit de
la multiplication par 72. On trouvera ainsi dans les guichets de
l'addition le produit total 7220512.
Les figures 17 et 18 représentent deux autres systèmes de roues de
développement, où les roues sont repoussées dans l'intérieur par des
ressorts, mais nous préférons les roues de développement de la fig. [?].
Pour faire une division, on procède ainsi:
Soit à diviser 7220512 par 26546.
On marquera le diviseur 26546 sur les roues de développement, comme dans la
multiplication, et le dividende sur la série inférieure des chiffres des
roues du cercle extérieur destiné à la soustraction, qu'on découvre en
fermant les chiffres supérieurs de l'addition par les boutons de la [lame ?] tt fig. 1.
On disposera la platine moyenne mobile de telle sorte que le premier
chiffre, de gauche à droite, soit placé vis-à-vis le premier chiffre du
dividende. On opèrera absolument comme dans la multiplication, si ce n'est
qu'au lieu d'avancer la platine centrale, on la reculera toujours d'un
chiffre de gauche à droite.
Le résultat de l'opération, c'est à dire le nombre de fois que 26546 aura
été soustrait de 7220512, sera donné par le quotient 272 qui se montrera
dans des guichets spéciaux aaaa, fig.
1
Pour indiquer combien de fois un nombre a été soustrait d'un autre,
c'est-à-dire le quotient, il y a dans la machine un mécanisme particulier
qui reste en repos pendant toutes les autres opérations et qu'on ne met en
jeu que pour la division.
Voici comment:
On voit H, fig.
1 un bouton
qui conduit une aiguille. Quand cette aiguille est en face de la légende t [o?],
la machine est en repos; elle travaille quand l'aiguille marque division.
Ce bouton H met en mouvement un
levier u, fig. 9, placé à la
surface inférieure de la platine inférieure de la partie moyenne mobile.
Lorsque l'aiguille marque division, le levier pousse hors de la
circonférence du cercle, fig. 9, une roue x,
qui engrène avec un pignon de la première roue de développement v, fig. 14, et qui porte une
goupille y, laquelle compte sur les
roues du quotient, fig. 17, le nombre de tours fait par les roues de
développement, ce qui constitue le quotient.
Afin d'abréger l'opération de mettre tous les chiffres à zéro, nous avons
tâché de trouver un moyen qui permet de la faire d'un seul coup.
Dans la fig. 19, toutes les détentes sont placées sur une baguette
mobile aa, qui déplace les détentes et
met en même temps, à l'aide des goupilles, tous les sautoirs ccc hors prise. Les détentes pressées par
leurs ressorts n'éprouvant plus alors le résistance des sautoirs,
remettent toutes les roues à zéro.
La fig. 19 présente le dessin d'une autre méthode plus sûre et par
conséquent préférable, pour mettre tous les chiffres à 0.
Dans la platine inférieure sont faîtes trois entailles demi circulaires ddd. Une baguette cc, munie d'autant de goupilles ff qu'il y a de roues, exécute par ces entailles, un mouvement demi circulaire.
Chaque roue porte en outre en dessous de la came une double flèche h, fig. 20. Dans quelque position
que se trouvent les roues, dès qu'on attirera la baguette, les goupilles
agiront sur les flèches et mettront toutes les roues à 9, et il suffira
d'ajouter une unité, pour les mettre toutes à 0.
Les ressorts iii n'ont pas d'autre
destination que d'empêcher les roues d'aller au delà du chiffre 9 dans le
cas où l'on tirerait un peu brusquement la baguette.
Quand on remet la baguette à sa place, les mêmes goupilles qui agissent sur
les flèches écartent les ressorts et rendent le mécanisme libre.
La figure 19 montre encore qu'en ajoutant à la première détente un
levier quelconque, on peut employer la machine comme compteur dans
l'industrie.
Fig. 21, stylet à pointe mobile, ce qui est plus commode pour
l'opérateur.
Je déclare me réserver le privilège exclusif non
seulement de la confection de ces nouveaux mécanismes avec tous les
perfectionnements dont ils sont susceptibles, ainsi que la faculté d'en
varier les formes, les dimensions, la matière, mais encore de l'application
du principe des roues de développement, c'est-à-dire les différents moyens
et manières de mettre en un seul ou en deux coups la machine à zéro,
la première idée n'en appartenant.
Paris le 23 novembre 1842
Dr Roth |