Demande d'un brevet d'addition et de perfectionnement
au brevet d'invention de quinze ans qui m'a été délivré sous la date
du 28 septembre 1840 pour une machine à calculer
Description de la machine
La figure 1 représente la machine dans sa grandeur naturelle. Elle n'est dessinée que pour le calcul de nombres de quatre chiffres; mais il est facile de l'agrandir et d'aller jusqu'à des nombres de douze et quinze chiffres. La partie supérieure consiste en une platine aaaa fixée sur la boite par plusieurs vis. La hauteur de la boite est arbitraire. Sa longueur dépend du nombre des systèmes et sa largeur est telle que la représente le dessin.
Sur la platine sont gravés autant de cercles bbbb que le nombre des chiffres avec lesquels on veut opérer, et sur chacun de ces cercles les neuf unités en allant de droite à gauche et de haut en bas. A la place des dizaines, les platines sont percées de deux petits trous carrés cccc qui laissent apercevoir les cadrans placés dessous. A gauche de ces trous sont fixés des crochets dddd dont l'extrémité inférieure dépasse la circonférence intérieure des cercles. La rondelle qui se trouve au milieu eeee se meut dans la découpe de la platine dont elle est indépendante, quoique rivés sur le cadran et fixés, ainsi que lui, sur la tige des roues inférieures. Elle est percée de dix trous à distance égale, au dessus des quels sont gravées de nouveau les neuf unités dans un ordre inverse, de gauche à droite et de haut en bas. Au dessus du neuf est gravée une flèche.
Au dessous de la platine et de la rondelle, et intimement lié avec cette dernière, se trouve le cadran fig.II représenté dans le dessin en grandeur naturelle et muni de deux séries de chiffres : la série supérieure correspondant aux chiffres des cercles et l'inférieur à ceux des rondelles.
Au dessous des cadrans sont les roues d'étoile fig. III aaaa fixées à la même tige que les rondelles et les cadrans, et pourvues chacune d'une étoile rivées au dessus de la première roue, (à commencer par la droite), au dessous de la deuxième, au dessus de la troisième, et ainsi de suite.
Chaque étoile a dix dents fixées par un valet muni d'un ressort et formant ainsi un sautoir qui fait faire à la roue un dixième de tour.
Ce sautoir forme en même temps un cliquet qui empêche la roue de rétrograder et ne lui permet de se mouvoir que de droite à gauche. Des valets sont montés sur des broches.
Les roues eee sont des roues de communication entre les roues d'étoile. Elles ont pour but de les faire toutes mouvoir dans la même direction, de droite à gauche. La communication s'opère par des dents mobiles fff qui, chaque fois que la première roue a fait un tour sur elle-même, saisissent la dent de la deuxième et la font avancer d'un dixième de tours. Elles sont mobiles afin que les roues restent indépendantes les unes des autres et que celles d'entre elles qui arrivent, par exemple, à présenter le chiffre neuf, ne soit pas dérangée de sa position par les opérations subséquentes. Ainsi, la dent mobile laisse passer la dent de l'étoile de la seconde roue, et cela fait, la dent de la roue de communication revient poussée par le ressort ggg, à la place qu'elle occupait auparavant. La dent de communication passe dessus ou dessous selon que l'étoile bbb est placée sur ou sous la roue. C'est ce que le dessin rendra plus clair. Pour mieux comprendre ce mécanisme, nous avons représenté les roues plus grosses d'un tiers que leur grandeur naturelle, représentée elles-mêmes sous la figure IV. On peut encore arriver aux mêmes résultats de trois manières différentes que l'aspect des dessins suffira pour faire saisir promptement.
Dans la figure V, les roues de communication sont remplacées par des pignons qui produisent le même effet et impriment à toutes les roues d'étoile une direction semblable. Pour rendre ces dernières indépendantes les unes des autres, on a eu recours à un petit râteau du dixième de la circonférence de la roue d'étoile et muni d'un côté d'une goupille, de l'autre d'un ressort, le tout semblable aux dents mobiles de la figure IV.
Dans la figure VI, les roues dentées sont supprimées, les étoiles seules restent, munies d'une goupille à une seule de leurs dents. La communication s'établit par une équerre monté sur une broche et par une dent mobile garnie de sa goupille et de son ressort.
Dans la figure VII, un rocher d'encliquetage et une étoile fixée dessous. Sur la tige, une roue d'engrenage mobile avec le ressort et le cliquet qu'elle porte, qui se trouve placée entre le rocher et l'étoile, produisent le même effet. Un pignon peut servir de communication. Un petit râteau est fixé sur le rocher d'encliquetage. Le pignon peut se remplacer par une roue munie d'un petit râteau fixé. Le tout se dispose comme dans le cas précédent, dessus et dessous alternativement.
La figure VIII représente un style dont la pointe se met dans les trous des rondelles pour faire marcher la machine.
La figure IX représente enfin la coupe d'un système de chiffres.
Manière de se servir de cette machine
On met tous les cadrans sur 0, en plaçant le style dans le trou correspondant à la petite flèche de la rondelle et en faisant marcher celle-ci de droite à gauche jusqu'à ce qu'on se sente arrêté par le crochet.
Pour additionner, on cherche le chiffre donné sur les cercles; On place le Style dans le trou qui y répond et on tourne la rondelle jusqu'à ce qu'on soit arrêté par le crochet. On peut ainsi opérer sur tous les chiffres que l'on a à additionner, en procédant de gauche à droite ou de droite à gauche à volonté, mais en ayant toujours soin d'ajouter unité à unité, dizaine à dizaine, etc . La somme est fournie par les chiffres qui paraissent au trou supérieur, et l'addition n'exige ainsi aucun travail de l'intelligence.
Pour faire une soustraction, on met les cadrans sur 0. Le nombre dont on doit soustraire correspond aux chiffres des rondelles, et le nombre à soustraire à celui des cercles. Le reste paraît au trou inférieur de la platine.
C'est la première machine exécutée jusqu'à ce jour qui permette de procéder de droite à gauche ou de gauche à droite indifféremment. Il n'est pas nécessaire d'écrire d'abord le nombre sur du papier et faire marcher la machine de gauche à droite comme dans les essais imparfaits de Pascal, de Lépine, D'Hillerin et d'autres. On peut avec un mécanisme pareil donner à la machine une extension telle qu'il soit possible de calculer jusqu'à des nombres de quinze et même de vingt chiffres. Les appareils de Gertsen, de Samuel [?] et de Polenius demandaient un grand déploiement de force, inconvénient que n'a pas celui-ci. Dans quelques semaines, nous ferons la demande d'un brevet d'addition et de perfectionnement pour une grande machine qui exécute les quatre règles avec une célérité inconnue jusqu'à présent.
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Transcription à partir du brevet
manuscrit par Valéry Monnier, Octobre 2007 |